Amour : Palme d'or incontournable ou purge absolue ?
Le nouveau film de Michael Haneke ne fait pas l'unanimité au sein de la rédaction de Metro. Mais alors pas du tout.
Mehdi Omaïs : "Une sobriété miraculeuse" "Les pompiers enfoncent la porte d’un grand appartement parisien et découvrent le corps en décomposition d’une vieille dame. Amour s’ouvre ainsi, en plaçant le spectateur devant l’effroyable spectacle du trépas pour nous en raconter la genèse. La défunte s’appelle Anne –admirable Emmanuelle Riva. Elle a follement aimé George –bouleversant Jean-Louis Trintignant– avant qu’une terrible maladie cérébrale ne détruise son quotidien. Après son magnifique Ruban Blanc, le cinéaste autrichien Michael Haneke évoque notre propre mortalité à travers la déchéance des corps et des esprits. Amour emprunte la voie du huis clos pour dessiner une subtile parabole sur les heures qui passent, pansent et oppressent. Dans ce récit sans pathos ni complaisance, d’une miraculeuse sobriété (émotionnelle), les silences s’entendent, la violence du quotidien crève le cœur et la déconstruction du couple achève. Une Palme d’or et d’amour portée par une mise en scène au cordeau et deux comédiens d’exception. Jérôme Vermelin : "Une distance plombante" "Chez Michael Haneke, l'émotion est interdite. Du moins la fausse, la "fabriquée", celle des mélos, des comédies romantiques, des polars et des films d'horreurs. Berk ! Le suspense ? Tellement artificiel ! Dans Amour, dont on connaît la fin dès le début, le cinéaste autrichien ausculte la lente agonie d'un couple âgé. C'est clinique, carré, froid comme une expérience scientifique dont Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva sont les vénérables cobayes. Leur tête à tête réserve quelques jolies scènes, comme lorsque surgit la maladie, au détour d'un petit déjeuner. Le reste du temps, la retenue de la mise en scène empêche toute implication du spectateur. La maladie est brutale, cruelle. Certes. Mais pourquoi nous interdire à tout prix de pleurer ? Voire de rire un tout petit peu devant l'absurdité de l'existence ? A force de distance, aussi élégante soit-elle, Maître Haneke ne suscite qu'une lente mais solide frustration. C'est peut-être, et même sans doute le but recherché. Le spectateur, averti, a le droit de passer son chemin."