La catastrophe de Fukushima a permis à Surfrider Foundation Japon de réaffirmer ses objectifs de protection des océans, des vagues et des plages. L'association s'est rapidement mobilisée afin de trouver des solutions concernant la pollution engendrée par le tsunami.



Le 11 mars 2011, lorsque le tsunami a touché le Japon j'étais en déplacement. Nous avons connu de nombreux tremblements de terre dans le passé mais lorsque j'ai vu les images de ce qu'il se passait, ce que vivaient mes proches, mes amis, tout cela m'a paru irréaliste. Au-delà des conséquences matérielles et humaines, nous avons dû faire face à une situation à laquelle nous n'étions pas préparés, à savoir le risque nucléaire amené par la centrale de Fukushima.

Surfrider Foundation Japan (SFJ) dont l'objectif principal est de protéger et conserver les océans, les vagues et les plages, s'est rapidement mobilisé afin de venir en aide aux sinistrés. Dans un premier temps, nous avons mis en place des opérations de nettoyage des plages, ce qui ne fut pas évident tant la quantité de débris aussi bien sur le sable que dans l'eau était importante. Cependant la situation s'avère meilleure de jour en jour, notamment grâce au travail des nombreux bénévoles qui nous ont aidés et ce malgré le risque que cela pouvait présenter pour leur santé.

Mais très vite il nous a fallu nous atteler à un tout autre problème à savoir celui de la possible présence de radioactivité dans les océans. C'est pour répondre à ce danger que nous avons lancé le projet « Our water Our life », je tiens à préciser que nous n'avons pas choisi de nommer cette campagne « Our beach » ou « Our ocean ». Nous voulons avant tout mettre en avant la préciosité de l'eau, son cycle et comment nos vies sont connectées à l'écosystème aquatique, mais nous souhaitons aussi faire comprendre que nous sommes tous concernés par ce qu'il se passe.

UNE RENCONTRE ENTRE LE MONDE SCIENTIFIQUE ET ASSOCIATIF

SFJ travaille aujourd'hui en collaboration avec des experts et des scientifiques de différents laboratoires dont ATOX, qui surveillent le dosage de radiations dans l'océan. Surfrider Foundation Japon collecte des échantillons d'eau de 500ml et les envoie directement aux laboratoires pour analyse au moyen d'un détecteur à semi-conducteur au Germanium pour mesurer les niveaux d'iode 131 et de Cesium 137.

La rencontre entre le monde scientifique et celui du monde associatif est pour nous un défi qui se révèle plutôt exigeant, mais néanmoins très instructif.

À l'heure actuelle trois spots de surf sont suivis, deux se situant à Ibaragi (à environ 100 km au sud de Fukushima) et un à Chiba (250 km au sud de la centrale) en face de notre siège. Les premiers résultats se sont avérés plutôt rassurants, puisqu'aucune trace d'isotopes radioactifs n'a été retrouvée sur ces sites.

Cependant, il faut rester prudent concernant ces résultats, d'une part parce que nous ne pouvons savoir les effets que la catastrophe aura sur le long terme, mais aussi parce que les tests effectués ne détectent pas tous les éléments radioactifs qui pourraient se trouver dans l'eau. En effet les laboratoires avec lesquels nous collaborons, n'étaient pas préparés pour faire face à ce genre de situation, ainsi leurs équipements ne sont pas adaptés pour des analyses aussi poussées que nous le voudrions.

C'est pour cela que la question de la publication des données acquises lors des tests est un sujet sensible. Doit-on les publier ou non ? Il nous semble important de les communiquer au public puisque le gouvernement n'agit pas. Mais, d'un autre côté, nous avons conscience de ne pas être experts dans ce domaine, il serait donc irresponsable de dire aux personnes qu'ils peuvent retourner surfer ou se baigner et ce en toute sécurité parce que nos analyses n'ont rien relevé.

CHAQUE CITOYEN JAPONAIS DOIT AVOIR DES INFORMATIONS FIABLES

Les tests que nous menons actuellement nous coûtent 350 euros, ce qui n'est pas excessif certes, mais multiplié par le nombre de spots à surveiller et à une fréquence de test que nous voudrions porter à une fois par mois, cela exigerait un budget dont nous ne disposons pas actuellement.

Nous n'avons pas la prétention de dire que grâce à nous la situation est meilleure. Face à un gouvernement souvent dépassé par la situation et qui peine à prendre des responsabilités, nous nous devons d'agir. Nous pensons qu'il est important que chaque citoyen japonais puisse avoir accès à la vérité et à des informations fiables, c'est pour cela que nous avons lancé notre campagne. Mais pour autant cela ne veut pas dire que nous voulons nous opposer aux autorités de notre pays, les critiquer n'apporterait rien.

Ce que nous vivons est tragique mais nous essayons de rester positifs et confiants. C'est de cette façon que nous pourrons sensibiliser un grand nombre de gens, et alors peut être le gouvernement nous entendra et nous soutiendra dans nos démarches.

Bien sûr, nous avons conscience qu'il y a d'autres priorités comme reconstruire les routes mais aussi reloger les sinistrés du tsunami, mais le risque de radioactivité est réel et doit être pris en compte. Ce qui se trouve dans l'air et dans les sols peut potentiellement se retrouver dans l'eau et donc dans l'océan.

En plus des trois spots que nous suivons actuellement, nous espérons pouvoir effectuer des analyses dans une dizaine de spots et notamment ceux se situant près de Fukushima. Mais, malheureusement les zones autour de la centrale sont pour l'heure interdites d'accès. Qui sait quand nous pourrons nous y rendre...

Face à une telle situation il est nécessaire de s'aider les uns les autres, de se soutenir et aussi d'apprendre de nos erreurs pour mieux être prêt si ce genre de catastrophe devait se présenter à nouveau.

Il nous semble important de partager ce que nous vivons et de rappeler que rien n'est fini, que la situation même si elle s'améliore n'est pas pour autant résolue. Aujourd'hui, nous avons besoin de soutien à la fois financier, pour continuer nos tests et surveiller nos plages, mais aussi un soutien moral.

Nous avons un proverbe qui illustre bien le message que nous voulons faire passer aujourd'hui à tous ceux qui nous soutiennent, « Nana korobi yaoki » : « tombe sept fois, relève-toi huit ». Nous n'abandonnons pas, nous continuons chaque jour à protéger notre environnement et cela malgré les difficultés.

Source: http://www.planete-plus-intelligente.lemonde.fr