Pour faire face à l'accroissement des personnes âgées dépendantes, une équipe de chercheurs franco-singapouriens élaborent des espaces de vie intelligents à domicile, offrant le même niveau de services que dans les résidences spécialisées. Un projet pilote avant un plan dépendance national ?
L'accroissement considérable des personnes dépendantes, âgées ou handicapées, n'est plus une hypothèse à prendre en compte, mais plutôt une vérité mathématique qui ne se limite pas seulement à la France, mais touche plusieurs pays d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Asie. Dans plusieurs pays développés, les systèmes de santé et de prise en charge de la dépendance commence déjà à être affectés par des coûts de plus en plus importants.
Le placement en établissement spécialisé (EHPAD, maison de retraite, etc.) d'une personne ayant des limitations fonctionnelles et/ou cognitive, engendre une régression brutale de leur maladie et de leur qualité de vie. Dans le cas de la déficience mentale (Alzheimer par exemple), même légère, un placement engendre une détérioration cognitive conséquente qui se compte en semaines.
Au niveau financier, une personne âgée dépendante qui dispose d'un système de télé alarme pour détecter les situations d'urgence, doit débourser environ 100 euros par mois, dont la moitié est pris en charge par les régions (conseils régionaux). Mais ce type d'aide technique ne répond qu'à une infime partie des besoins des personnes en situation de dépendance, et se focalise sur l'aspect sécurité. Or, on note que plus de 90% des appels réalisés via des télé alarmes ne sont pas des appels d'urgence, mais des appels de confort : l'utilisateur appuie sur un médaillon pour entrer en contact avec une personne au bout du fil, pour échanger quelques mots. Ce genre d'appels, considérés comme du "bruit" par les plate-formes techniques et centres d'appels, n'est autre que le besoin manifeste de lien social.
UNE MAISON DE RETRAITE SANS MURS
Un placement en maison de retraite, par exemple, implique un financement d'environ 3000 euros par mois, généralement pris en charge par la famille, pour une qualité de vie moindre. Elle présente l'intérêt d'être un guichet unique, qui prend en compte non seulement les besoins médicaux, mais aussi les besoins sociaux via la présence continue d'une infrastructure humaine et matérielle, qui doit répondre aux besoins des personnes en situation de fragilité et d'isolement.
Un « plan dépendance » adéquat devrait être capable de proposer une solution viable socialement et économiquement, et permettre de préserver la qualité de vie des personnes en perte d'autonomie à leur domicile, en offrant le même niveau de services que dans les résidences spécialisées.
L'idée est d'aller vers un guichet unique d'une maison de retraite sans murs, qui permette d'allier deux mondes qui ne se parlent pas aujourd'hui : celui de l'aide à domicile et d'aidants naturels, avec le monde des solutions technologiques et plate-formes techniques qui ont prouvés leur efficacité en termes d'accroissement de l'autonomie des personnes dépendantes.
Notre programme de recherche et développement entrepris depuis plusieurs années, se présente sous forme d'une plate-forme technologique (habitat intelligent) destinée aussi bien aux aidants qu'aux aidés et que nous avons nommé EVIDENT (espace de vie intelligent pour les personnes dépendantes). Le but est de concilier l'apport de l'aide humaine avec celui de l'aide technologique pour couvrir un large spectre des besoins des personnes en situation de dépendance. La plate-forme EVIDENT, en cours de déploiement chez des familles, est composé d'un certains nombre de capteurs et d'interfaces permettant à l'utilisateur d'interagir avec son environnement via différents moyens comme, la télévision, des écrans tactile, des interfaces gestuelles, une plate-forme mobile (smartphones), etc.
Le « plan dépendance » préconisé, s'appuierait sur l'intégration des technologies de l'information et de la communication (TIC), qui existent déjà dans les lieux de vies, en les adaptant de façon intelligente aux domiciles de particuliers, grâce à une réorientation des usages (déviation d'usage) qui optimiserait la relation aidant-aidé in situ et à distance. Cela permettrait également de revaloriser les métiers d'aidant de proximité dans nos sociétés, et favoriserait probablement l'émergence de nouveaux acteurs économiques aux services innovants.
Ce plan ne pourra voir le jour sans un déploiement pilote à grande échelle au niveau de plusieurs centaines de familles (500 familles de personnes âgées ayant des limitations cognitives en France), en situation écologique (habitat individuel). C'est ce que nous envisageons de réaliser a court terme dès 2012, dans le cadre de la chaire Quality of life, soutenue par la Mutuelle Générale et Secumines (régime minier). Une discussion est en cours avec d'autres partenaires, en particulier assureurs, pour nous aider à mener a bien cette initiative qui reste une première mondiale.
Source: http://www.planete-plus-intelligente.lemonde.fr