Comme en 2011, les cinq associations (La Cimade, France Terre d’Asile, Forum réfugiés, l’Assfam et l’Ordre de Malte) qui interviennent en rétention ont présenté leur rapport annuel, le 21 novembre 2012.
Le constat pour l'année 2011 est assez alarmant. Ce second rapport montre à la fois les effets de la loi votée en 2011 et ceux de la nouvelle gouvernance depuis l’élection de François Hollande. La politique actuelle concernant les étrangers a été mise en place par la loi relative à l’immigration, défendue par les ministres Besson, Hortefeux et Guéant de la présidence Sarkozy, et votée en mai 2011. Pour David Rohi, responsable de la commission éloignement de La Cimade, "cette loi toujours en vigueur aujourd’hui est à l’origine d’un recul important des droits des étrangers."
32 912 personnes ont été éloignées de la métropole en 2011, dont 17072 en éloignement forcé, le reste avec l’aide au retour. De plus, 31355 retenus ont été éloignés à partir des départements d’Outre-mer. L’outre-mer (Mayotte, Guadeloupe, Guyane, Martinique et Saint-Martin) bénéficie d’un régime dérogatoire qui empêche les étrangers d’avoir le droit de faire un recours suspensif. Sur les 31355 personnes expulsées, aucune n’a pu voir de juge. Et David Rohi de donner un exemple avec la Guyane : "9000 étrangers ont été renvoyés vers le Surinam ou le Brésil voisins. Or, sur ces 9000 personnes, certaines sont passées huit fois en centre de rétention. Elles reviennent car il n’y a qu’un fleuve à traverser."
En France métropolitaine, les nationalités des personnes les plus expulsées sont tunisienne et roumaine. "Avec plus de 32000 reconduites à la frontière en 2011, le gouvernement voulait faire croire qu’on avait besoin de le faire, poursuit David Rohi. Or, les Roumains ont le droit de circuler en Europe. Leur retour avec les aides permet de faire du chiffre mais ils reviennent peu de temps après."
Recul de l'intervention du juge
Autre constat de cette année 2011, la loi a modifié la durée d’intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) au cinquième jour alors qu’auparavant le contrôle avait lieu au deuxième jour. "25 % des expulsés des centres de rétention ne voient plus le JLD, alors qu’avant le chiffre était d’environ 8 %. Très concrètement, le JLD est là pour vérifier que les droits des étrangers ont été respectés dans toute la procédure avant d’arriver en centre de rétention, c’est-à-dire surtout pendant l’interpellation et la garde-à-vue.", poursuit le responsable de La Cimade.
Depuis l’arrivée de François Hollande à la présidence, les associations constatent une même dynamique. Alors que les responsables socialistes se montraient très critiques envers le projet de loi relatif à l’immigration, peu de changements sont à constater pour les étrangers. Sauf la circulaire présentée en juillet pour la métropole sur l’enfermement des enfants avec leur famille. "Seulement deux familles ont été placées en rétention depuis la circulaire, c’est très bien, se réjouit David Rohi. Cependant, la circulaire ne s’applique pas à Mayotte, où 5389 enfants ont été enfermés en 2011. Là où il y a le plus d’enfant enfermés, le gouvernement n’a pas décidé d’appliquer cette circulaire. C’est bien dommage."
"La France doit arrêter de faire croire qu’on a besoin d’expulser, poursuit-il. Elle doit redonner la véritable dimension de ce qu’elle peut faire ou pas. L’actuel ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, poursuit les expulsions dans la même ligne que le précédent gouvernement et s’est même vanté de dépasser le chiffre de 32000 personnes pour 2012. Et en même temps, il annonce la fermeture de certains centres de rétention. Il faut sortir de cette position ambiguë. On espère que le gouvernement et le président auront le courage de leurs convictions."
Le candidat Hollande s’était engagé à faire de la rétention une exception et non la règle. Les associations demandent maintenant une réforme pour que la loi devienne respectueuse des droits fondamentaux ; que chaque cas, chaque situation puissent être examinés.