Jeudi soir, la Maison Blanche a posté sur internet une série de clichés d'Obama revenant sur ses moments forts de l'année. Décryptage avec Mariette Darrigrand, sémiologue.
Jeudi soir, la Maison Blanche a posté sur Flickr, un site de partage de photos, une série de 83 clichés de Barack Obama retraçant l'année qui vient de s'écouler. Loin du formalisme des portraits officiels, les photos choisies avec soin montrent un président dans des scènes du quotidien, partageant un fou rire avec Hillary Clinton, réconfortant des victimes de l'ouragan Sandy, ou encore apprenant qu'une fusillade a eu lieu dans une école primaire.
L'auteur de la plupart de ces photos, Pete de Souza, photographe officiel de la Maison Blanche, suit le président comme son ombre et prend entre 500 et 1000 clichés par jour. Une partie d'entre elles, savamment filtrées, sont publiées ensuite sur les réseaux sociaux. Une manière de communiquer où aucun détail n'est laissé au hasard. Décryptage avec la sémiologue Mariette Darrigrand.
Comment interprétez-vous le choix des photos mises en ligne par la Maison Blanche ?
Ce qui me frappe, c'est la mise en scène du corps. Il y a une dimension constante de bonne santé dans ces clichés. La crise est partout, mais le président est en forme, voilà l'un des messages délivrés par cette série. Il est en forme physique, lorsqu'on le voit par exemple surfer à Hawaii, mais aussi en forme psychologique lorsqu'on le voit rire et sourire.
On voit aussi dans ces photos qu'il est un bon père de famille et un mari épanoui. On retrouve également les trois figures classiques des gouvernants dans le monde occidental : le guerrier combatif, le travailleur, et le grand prêtre qui a le pouvoir oral. L'une des plus frappantes est celle où on le voit en contre-plongée s'exprimer, avec les nuages en fond, on le montre comme Moïse.
Cette manière de raconter la vie d'un président est-elle nouvelle ?
L'intention de valoriser les présidents à travers des portraits est loin d'être nouvelle, que ce soit en photo comme les Kennedy, ou même en peinture, je pense à Velasquez qui était le peintre du roi Philippe IV. En revanche, là, on note clairement des emprunts aux codes du cinéma et de la série. On ne sait parfois plus si on est dans la réalité ou la fiction. On n'est plus dans le photojournalisme.
Pourquoi ne s'agit-il pas de photojournalisme ?
Si l'on compare ces 83 photos à 83 photos d'actualité de l'année, on notera qu'elles sont exactement à l'opposé. Les photos d'actu seront plutôt grises et moroses, alors que là, il y a beaucoup de couleurs. On retrouve notamment beaucoup de bleu, la couleur de l'Amérique. Le choix des clichés n'est évidemment pas anodin. Barack Obama veut montrer qu'il est un homme heureux. Cela renvoie à la résilience permanente de l'Amérique.
Les présidents français n'ont pas cette volonté de raconter leur quotidien à travers des photos. Pourquoi ?
Je ne dirai pas qu'il y a moins de volonté, elle est simplement différente. Aux Etats-Unis, il y a une volonté des grandeurs hollywoodiennes, on rend l'intimité épique. Cela donne l'impression aux spectateurs de vivre un moment historique, comme lorsque l'équipe du président a posté une photo de Barack Obama enlaçant sa femme sur Twitter pour annoncer sa réélection. Cette photo, devenue la plus retwittée de l'histoire de ce réseau social, a permis aux gens de prendre part à cette "mythologie".
source: bfmtv.com