Et si les collectivités s'inspiraient des transports de marchandises pour créer les transports du futur ? L'idée peut paraitre choquante, mais la logistique présente de nombreux points communs avec le transport de personnes. Explications.



Dans le domaine de la mobilité des voyageurs, le basculement de l'objet automobile à une multitude de services, suppose l'accès aux données dans tous les modes de transport et une évolution des structures de gouvernance pour optimiser le système complet. Ces évolutions sont en cours, même si des questions restent ouvertes, comme la mise en œuvre d'une forme de confiance et la protection de certaines données privées. Elles changeront les jeux d'acteurs et leurs positionnements relatifs dans la chaîne de valeur.

Le numérique apporte ici :
- de nouvelles solutions de mobilité en faisant mieux correspondre l'offre et la demande de sièges libres permettant de mieux rentabiliser les investissements publics et privés ainsi que les matières premières,
- des outils pour mieux comprendre l'évolution des comportements des citoyens quand ils utilisent ces nouvelles solutions de mobilité, permettant alors de mieux co-concevoir ces services.

Ce nouveau domaine de recherche et développement est à la croisée de la sociologie, du numérique, des mobilités et des activités industrielles des entreprises.

Malgré de nombreuses différences au niveau des acteurs et des modèles d'affaires, le transport de marchandises présente des points communs à court terme avec le transport des personnes et définit des tendances sur le long terme. La logistique se caractérise par un enchaînement de solutions de mobilité, de stockages, de moyens de distribution en fonction des produits et des territoires. Elle est gérée par des professionnels qui sélectionnent et optimisent avec des contraintes économiques, pour répondre aux demandes de distributeurs censées refléter celles des consommateurs. Nous verrons que ces outils numériques peuvent permettre aux consommateurs de choisir autrement, de changer de comportements, et donc de modifier les chaînes logistiques.

OPTIMISER LES FLUX GRACE AUX DONNEES

Comme pour la mobilité des personnes, transporter des marchandises nécessite d'accéder à de nombreuses données sur les flux, les paramètres influents, pour développer des modèles numériques prédictifs, et des outils de gestion et d'optimisation sous contraintes. Pour le moment, seules les industries pilotent les décisions, les territoires et collectivités jouant à la marge. Mais le data deluge, l'Internet des objets et, dans une certaine mesure, l' open data, vont permettre de produire de nouveaux savoirs, de nouveaux outils pour mieux optimiser les flux sur un territoire et améliorer ainsi son attractivité tout en réduisant les émissions, et consommations. Les autorités organisatrices des transports pourraient alors prendre une part stratégique pour optimiser l'usage de richesses publiques comme les infrastructures et l'énergie.

Comme pour la mobilité des personnes, l'information contextualisée devient essentielle pour mieux se déplacer, mieux choisir son mode et accéder au meilleur siège libre. Ce même outil permettra au "citoyen consommateur" de renverser l'asymétrie d'information qui structure depuis des décennies le commerce et la grande distribution.

L'Assistant Personnel de Consommation (APC, un exemple avec DHL) peut permettre aux consommateurs de s'allier, de mieux choisir leurs produits/services sur la base de critères définis par eux-mêmes, ou encore d'accéder à des informations non fournies par le distributeur ou le producteur. Ces modifications sont majeures, tant elles peuvent changer les rapports de force. Mais elles sont actuellement virtuelles, et fortement dépendantes du poids des associations de consommateurs, de la capacité à accéder aux données, et du développement de normes et standards internationaux pour caractériser le contenu carbone ou les impacts environnementaux.

L'Assistant Personnel de Consommation (APC) vous fournira simplement en prenant une photo du produit (Google Googles) ou du QR code du service toutes les informations facilitant la décision. En se basant sur vos critères de choix prédéfinis (choix de critères, hiérarchisation des critères...), l'APC communiquera d'une part une note agrégée ou les détails, ainsi que les meilleurs produits/services concurrents, et les moyens d'y accéder. Dans un second temps, il est envisageable que le consommateur, ou des associations, informe l'industriel non sélectionné qu'il doit améliorer, par exemple le contenu carbone de son produit, donc sa chaîne logistique, ses sites de production, pour rester dans le top 3.

Le « reverse marketing » et l'APC ouvrent pour les consommateurs un champ d'innovations sans précédent dans l'histoire du commerce. Les meilleurs produits/services n'ont rien à craindre, ils seront toujours choisis. Les données environnementales et énergétiques pourront être mieux prises en compte, s'imposant aux acteurs de la logistique comme de nouvelles contraintes à intégrer.

Les acteurs qui prendront cette place d'intégrateur, permettant de construire des indicateurs globaux de fiabilité des données, paramétrables par les utilisateurs, subiront de fortes pressions ; mais pour être crédibles, ils devront être indépendants des industries ; les ONG sont, sur ce point, sans doute les mieux placées.

Source: http://www.planete-plus-intelligente.lemonde.fr