L’enseignement numérique ne fait pas que dispenser des connaissances aux individus. Il aide l’entreprise à acquérir d’indispensables méthodes collaboratives, il favorise la naissance d’innovations techniques, il permet de capitaliser la connaissance. L’exemple du nucléaire.
La filière nucléaire est un exemple parfait pour comprendre les apports de la formation numérique pour les individus, pour l'entreprise et pour la communauté académique.
Quantitativement, les besoins sont connus : l'industrie nucléaire française a besoin de 1000 ingénieurs et 1000 techniciens supérieurs par an, pendant les dix années à venir. C'est colossal. Mais cet effort répond à un réel axe de développement économique, sur lequel la France a un positionnement fort. Il est indispensable parce que l'outil de formation au nucléaire s'est arrêté, ou en tout cas s'est très fortement ralenti après le ralentissement du développement nucléaire provoqué par l'accident dramatique de Tchernobyl.
Qualitativement, la renaissance du nucléaire exige de nouveaux besoin en matière de formation initiale, mais aussi en matière de formation continue et d'enseignement professionnel. Le CNAM Languedoc-Roussillon, avec son unité de Bagnols-sur-Cèze, près de l'établissement du CEA de Marcoule, a vu l'intérêt particulier de relancer cette filière dès 2006 pour diffuser des savoirs vers les salariés, les chômeurs, les entreprises déjà présentes dans la filière nucléaire comme celles qui souhaitent y pénétrer.
La présence sur place d'enseignants compétents et de personnels de haut niveau du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) à Marcoule, pouvant intervenir dans les processus de formation, était un atout considérable.
La formation numérique, couplée à une formation "présentielle" (en présence d'un professeur) est apparue vite précieuse. D'abord pour rompre notre éloignement géographique à Bagnols sur Sèze, ensuite pour joindre les différentes équipes, souvent éclatées, des entreprises qui sollicitent nos formations.
En dehors de nos formations sur place, nous avons développé des outils assez classiques avec la plateforme interne Pléïad : des zones de travail, des outils « wiki » pour créer une dynamique de groupe, des « chats », etc.... A la diffusion de cours sur internet en streaming, nous avons ajouté la mise à disposition en différé de ces cours qui ont été retravaillés sous des formes diverses de podcasts, de diaporamas, de QCM. Des moyens mobiles - en fait des mallettes - permettent de diffuser un cours de n'importe quel endroit, en direct ou pour faire des enregistrements. Une équipe technique assiste et forme les enseignants car on peut être bon en présentiel, et déstabilisé dans une formation avec outils numériques.
APPRENDRE A L'ENTREPRISE LES PROCESSUS COLLABORATIFS
Aux salariés - nous en formons une cinquantaine par an, il s'agit de proposer les moyens d'une promotion sociale, d'une montée en compétence. Aux demandeurs d'emploi, d'offrir des opportunités dans une filière porteuse et des entreprises attirantes comme EDF ou AREVA.
Mais il ne faut pas sous-estimer l'avantage offert par l'enseignement numérique aux entreprises en tant que telles. Car la formation à distance permet de diffuser parallèlement de la méthode et de la connaissance initiant aux méthodes du travail collaboratif dans l'entreprise. Elle enseigne une façon de travailler ensemble, elle accompagne l'entreprise dans la gestion de ses connaissances.
En quelque sorte, la formation de ses employés rend l'entreprise « apprenante ». On forme les individus, on apprend à l'entreprise à créer ses outils. On dépasse les objectifs de premier niveau, comme le confort de ne pas se déplacer ou la flexibilité dans les horaires. C'est un objectif que je qualifierai de « méta », au-delà de la fonction première de la formation.
Cette fonction seconde de la formation est importante dans un monde où l'organisation est de plus en plus un des critères de performance de l'entreprise. Or cette organisation peut difficilement se faire sans l'outil numérique, ne serait-ce que parce que les nouvelles générations qui rentrent dans l'entreprise sont nées avec le numérique.
FAVORISER LES INNOVATIONS, ASSURER LA CONSERVATION
Le processus de formation peut également favoriser la naissance d'innovations qui seront précieuses pour le développement de l'entreprise. Prenons le cas d'une formation que nous assurons en permanence, celle des techniques de démantèlement d'une centrale nucléaire. Lorsque nous suivons, pour les former, les ingénieurs qui travaillent à cette tâche, ou qui aspirent à y travailler, nous débouchons souvent sur des projets innovants.
Tout le monde attend du CNAM non seulement qu'il accompagne l'entreprise dans sa montée en compétence, mais aussi qu'il lui apprenne à « sortir du cadre ». Les métiers du démantèlement sont à inventer, ils sont nouveaux, les réponses toutes faites n'existent pas. La formation distance, le travail collaboratif, le contact avec le monde académique aident à enclencher cette démarche d'innovation.
Enfin, parce que nous sommes le CNAM, je veux aussi insister sur la fonction de « conservation » de la connaissance. En tant que « conservatoire », nous sommes attachés à garder une trace claire et nette des connaissances enseignées, à les « capitaliser ». La capitalisation dans la tête de nos enseignants peut partir avec nos enseignants.
Avec le numérique, nous pouvons aisément garder le savoir, non pas comme dans un musée, mais comme élément constitutif de nos enseignements à venir.
Source: http://www.planete-plus-intelligente.lemonde.fr