Pour le journal Metro, l'islamologue Mathieu Guidère revient sur les enjeux de ce nouveau pélerinage à la Mecque, sur fond de tensions arabes.
Comment analysez vous le pèlerinage à la lumière des tensions dans le monde arabe ?
Le pèlerinage à La Mecque est un rassemblement inédit, où toutes les nationalités de la planète sont réunies. C'est un moment intense de communion et d'échange, qui intervient dans un contexte géopolitique particulier. Cette année, il y a deux évènements qui dominent la réflexion, d'abord la situation en Syrie, un pays musulman déchiré par la guerre et qui n'est pas loin. Et en même temps la question iranienne, la rivalité avec l'Iran qui menace plusieurs pays musulmans sunnites de représailles.
Cela peut-il affecter le pèlerinage de La Mecque ?
Ils ne sont pas censés évoquer la situation politique, c'est d'abord un moment spirituel. Tous les ans on craint des tensions, des affrontements, mais c'est quasiment impossible. Cela fait 80 ans que l'Arabie Saoudite organise cet événement, ils ont l'habitude de gérer 2 millions de musulmans malgré les tensions dans le monde arabe. Il faut savoir que les pèlerins n'ont rien le droit de porter, hormis leur toge blanche traditionnelle. C'est un dépouillement complet à la fois spirituel et physique. Le vrai risque est le piétinement, le mouvement de foule.
Les tensions entre l'Iran et l'Arabie saoudite peuvent-elles s'inviter ?
Pour simplifier, l'Arabie saoudite a pris position en faveur des insurgés Syriens, alors que les Iraniens sont du côté de Bachar Al-Assad. Mais cette guerre par procuration qu'ils se mènent en Syrie ne se déportera pas à La Mecque. Les iraniens ont menacé de perturber le pèlerinage cette année, ce n'est pas la première fois qu'ils le font. Tous les ans, le chef des gardiens de la révolution envoie une cinquantaine de personnes, de faux pèlerins, qui viennent manifester. Mais les Saoudiens sont habitués à gérer les récalcitrants. Je ne vois pas comment le pèlerinage religieux pourrait tourner à l'affrontement. D'un coté sécuritaire, c'est quasiment impossible. Et d'un point de vue idéologique, les chiites iraniens sont ultra minoritaires.
Y a -t-il une nouvelle génération de pèlerins après les révolutions arabes ?
Depuis les révolutions arabes, il y a une nouvelle géopolitique de l'Islam. Auparavant, c’étaient des autocraties séculaires qui envoyaient les pèlerins, comme Ben Ali, Moubarak ou encore Kadhafi. Aujourd’hui, ce sont des régimes islamistes qui envoient des pèlerins. Globalement, deux grandes tendances sont aujourd’hui représentées : les frères musulmans, comme en Egypte, et les salafistes, comme en Arabie Saoudite par exemple. Ce qui signifie que la symbolique du pèlerinage est plus forte et la pratique est plus zélée. Les pèlerins d’aujourd’hui sont encore plus motivés.
Source: http://www.metrofrance.com